Contexte
Le mot « L'AltRoparlante » est un jeu de mots qui combine les deux mots italiens « altro » (autre) et « altoparlante » (haut-parleur) : ainsi, « L'AltRoparlante » est une sorte d'instrument magique, permettant à tous les enfants de faire entendre leur propre voix et de s'exprimer « d'une autre manière », par exemple dans d'autres langues qui ne sont généralement pas considérés comme des compétences préalablement acquises ou comme des ressources (c'est-à-dire des langues familiales et des dialectes patrimoniaux composant les répertoires multilingues des élèves actuellemet scolariés en Italie). Ce projet a été mis en place par le centre de linguistique CLUSS de l'Université pour étudiants internationaux de Sienne (Italie), sous la supervision scientifique de Carla Bagna et avec Valentina Carbonara en tant que chercheure référente principale et Andrea Scibetta en tant que chercheur co-référent. L'AltRoparlante a débuté en 2016, il a reçu le « Label européen des langues 2018 » et a été présenté à la Commission Européenne lors de la Journée européenne des langues en 2020 (26 septembre 2020) en tant qu’exemple d'innovation en recherche-action dans les domains de l’éducation plurilingue. Actuellement, le projet est mis en œuvre au sein d’un réseau de 6 établissements scolaires (comprenant dans certains cas des écoles maternelles, primaires et des collèges) situés dans 5 régions différentes du centre et du nord de l'Italie, pour un nombre total d'environ 180 enseignants et 1 200 élèves impliqués jusqu'à présent.
Le cadre théorique sur lequel repose « L'AltRoparlante » vise à croiser la perspective européenne des approches plurielles en langues (Conseil de l'Europe) et celle nord-américaine du translanguaging pédagogique promouvant le plurilinguisme en classe (Carbonara et Scibetta 2020 ; CUNY NYSIEB 2021 ; Juvonen et Källqvist 2021, entre autres). Par ailleurs, ce projet a été mis en place suite à une série d'enquêtes nationales et locales (Carbonara 2017 ; Chini et Andorno 2018) qui ont permis de documenter une baisse progressive de compétences dans les langues premières chez les élèves issus de familles ayant eu une histoire de migration, baisse accompagnée de manifestations de rejet de la langue et de honte. C’est pourquoi, les principaux objectifs du projet sont d’/de :
- intégrer des pratiques fondées sur l'éducation plurilingue et la pédagogie translangagière dans l'enseignement, afin de tirer parti des répertoires langagiers des enfants et d’accompagner la composition d’identités plurielles des élèves, afin de prévenir les phénomènes de mise à l’écart et de marginalisation des jeunes (Cummins 2015) ;
- encourager le développement de compétences de lecture et d'écriture pluril
- ingues et promouvoir le bi/plurilinguisme et ses avantages cognitifs (cf. Carbonara, Scibetta et Torregrossa 2023) ;
- faire évoluer les representations, croyances et attitudes des enseignants, des élèves et des parents à l'égard de la / des langue(s) et de la diversité linguistique et culturelle, dans le but de les sensibiliser aux droits à la/aux langue(s) et favoriser leur engagement en faveur d'une éducation aux valeurs démocratiques.
En savoir plus
Les chercheurs et les enseignants travaillent ensemble selon une perspective transformative de recherche-action (García et Kleyn, 2016), afin de mettre en évidence le rôle symboliques et éducatif de la prise en compte de la diversité linguistique en classe. Selon cette perspective, la recherche est menée avec et pour les enseignants, et non sur les enseignants, dans un cadre collaboratif visant à transformer les situations d’enseignement, à valoriser la pluralité linguistique et à autonomiser les élèves, notamment ceux dont les familles ont vécu une histoire de migration, en reconnaissant leurs répertoires langagiers. En outre, ce cadre de recherche permet une participation active des élèves et de leurs familles aux processus de planification et de mise en œuvre des activités plurilingues en classe, soulignant le rôle crucial de l’implication de tous les acteurs, au-delà des enseignants, dans les processus d'enseignement/apprentissage. De ce fait, les évolutions s'opèrent à différents niveaux. Tout d'abord, l'environnement d'apprentissage est transformé, puisque sa dimension plurilingue est mise en évidence. Deuxièmement, les pratiques d'enseignement deviennent plus inclusives, puisque toutes les activités plurilingues du projet sont menées pendant le temps d'enseignement du programme. Enfin, la transformation opère également au niveau d’une prise de conscience d'un certain sens de citoyenneté globale et d'un intérêt plus élevé pour la prise en compte de la diversité des langues à l'école, en déconstruisant les dynamiques de hiérarchisation et de minorisation des langues. En ce qui concerne l'aspect pédagogique, de multiples activités relatives à l'autonomisation et l’extension des répertoires plutrilingues (y compris l'apprentissage de la/des langue(s) première(s)) ont été mises en place.